À travers le programme « Action Publique 2022 », le gouvernement use et abuse du vocable de la modernisation pour justifier l’accélération d’une gestion néo‐managériale des services publics, des suppressions de postes et une réduction du périmètre du service public au détriment des solidarités collectives.

Où est la modernité quand le coup de rabot tient lieu de politique, quand l’obsession comptable et le dogme selon lequel le privé ferait mieux que le public sont la boussole des politiques me‐ nées ? Ce moment de débat ouvert par le gouvernement doit être l’occasion pour les personnels de démontrer et d’expliquer qu’ils sont, eux, les véritables modernes, eux qui, au quotidien, assument les missions d’intérêt général, sont les experts de leurs métiers et savent les moyens qu’il faudrait mettre en œuvre pour répondre aux besoins des usagers.
Action Publique 2022, c’est quoi ?
Lancée mi‐octobre par le Premier ministre, la consultation «Action Publique 2022» entend «réinterroger» l’action publique pour la transformer. Il s’agit d’aboutir d’ici 2022 à 60 milliards d’euros d’économies sur les dépenses publiques et à la suppression d’environ 120 000 emplois de fonctionnaires. Une lettre de mission du Premier ministre en date du 26 septembre 2017, fixe un triple objectif : améliorer la qualité des services publics, moderniser l’environnement de travail des agents et… réduire les dépenses publiques !
«Les objectifs ambitieux que nous nous sommes fixés en matière de réduction de la dépense publique impliquent de revoir profondément et durable- ment les missions de l’ensemble des acteurs publics que sont l’État, les opérateurs, les collectivités territoriales, les organismes de sécurité sociale.» Il est clairement précisé les domaines à réformer : périmètre des poli‐ tiques publiques dont chaque ministère a la charge ; suppression de chevauchements de compétences, transfert possibles entre collectivités, au secteur privé, voire abandon de missions ; économies durables et structurelles ; pistes d’amélioration de la qualité dus service.
Dans ce cadre, un comité Action Publique 2022 (CAP22) est également chargé d’auditions multiples et remettra un rapport d’ici la fin du premier trimestre 2018. Ce comité est composé d’économistes du FMI ou d’experts anciennement membres de la commission Attali créée en 2008 par N..Sarkozy. Que du neuf !
Comment ça marche ?
Ce grand programme de transformation de l’administration, doté d’un fond de 700 millions d’euros, est organisé en deux phases :
Une première phase de diagnostic d’octobre 2017 à mars 2018 avec une revue des missions et des dépenses publiques alimentée par les travaux du comité Action Publique 2022 (CAP 22) et des propositions de chaque administration devant réaliser un diagnostic débouchant sur des projets de «plans de transformation ministériel pour arbitrage» (simplification administrative (simplification des normes…), transformation numérique (100% des démarches administratives numérisées à l’horizon 2022…), rénovation du cadre des ressources humaines (management et leviers de motivation…), révision de l’organisation territoriale des services publics (étude du recentrage de l’État sur ses missions, déconcentration accrue des décisions…), modernisation de la gestion financière et comptable…). Et une consultation en ligne (http://www.forum-action-publique.gouv.fr) des agent-es et des usager-ères sur leurs es attentes et propositions ainsi
que l’organisation de rencontres dans les territoires avec notamment 13 forums régionaux animés chacun par un ministre. La tonalité de cette consultation éclaire la pensée gouvernementale : donner plus de marges de ma- nœuvre aux managers locaux, reconnaître l’investisse- ment individuel, favoriser la performance au travail, mettre fin aux « rigidités » du statut et au recrutement par concours.
Une seconde phase d’élaboration et de mise en œuvre est prévue à partir de mars 2018, à l’issue des arbitrages politiques du président et du Premier ministre qui feront l’objet d’une restitution.
Une modernisation urgente de la Fonction publique : la mise en œuvre de l’égalité professionnelle femmes hommes
Les inégalités de genre en matière d’emploi, de rémunération, de perspectives de carrière, de retraite, persistent dans la Fonction publique.
Les stéréotypes restent un frein puissant à l’égalité professionnelle : la non-mixité de certains métiers perdure. Les femmes sont surreprésentées dans les filières les moins bien rémunérées. Elles sont peu nombreuses dans les emplois de direction et d’encadrement et y sont largement sous représentées.
Mettre à même niveau de rémunération des emplois qui nécessitent le même ni- veau de formation et de qualification est une première étape pour favoriser la mixité des métiers et les rendre plus attractifs, qu’il s’agisse des filières sociales, enseignantes, infirmières. Or, l’intégration dans la catégorie A des personnels sociaux, revendiquée par la FSU, se fait aujourd’hui dans des conditions inacceptables et a encore été repoussée d’un an avec le report des mesures PPCR.
Concernant les carrières, les statistiques de la FSU interpellent : pour ne prendre que l’exemple du corps des PE, mais les constats sont partout les mêmes : les hommes sont 30 % des promus à la hors-classe pour 18% des promouvables en 2015.La FSU exige que le suivi de l’application du protocole de 2013 sur l’égalité femmes-hommes soit effectif, permette que les constats soient établis à tous les niveaux et que cela se traduise par de nouvelles mesures. Assez des systèmes de promotions qui défavorisent les femmes !

Quelles propositions de la FSU ?
À l’inverse de cette démarche, la FSU avait demandé au gouvernement en juillet 2017 un «Grenelle de l’action publique» permettant un débat démocratique avec les agent-e-s comme avec les usager-e-s notamment sur 3 axes: les missions dévolues à la Fonction publique, le rôle assigné aux agents et la programmation budgétaire pour réaliser ces objectifs intégrant la question d’une nécessaire réforme fiscale et la lutte contre la fraude fiscale.
Nous sommes bien loin des objectifs affichés par le gouvernement ! Le débat qu’il a ouvert porte en effet sur une possible remise en cause profonde de notre modèle social au lieu de le conforter. Et ce notamment parce qu’il met comme préalable l’objectif de baisse des dépenses publiques de 3 points dans le PIB d’ici à 2022. Emmanuel Macron avait d’ailleurs annoncé ses intentions lors de sa campagne pour l’élection présidentielle en parlant d’un statut général des fonctionnaires «inadapté » et en prévoyant la suppressions de 120 000 emplois sur le quinquennat… La loi de finances 2018 est éclairante puisqu’elle est au final un véritable désarmement budgétaire de l’État avec la diminution programmée et assumée des recettes.
La FSU s’inscrit en faux contre cette idée répandue dans l’été dernier par le Premier ministre selon laquelle la dépense publique serait «une addiction française» dont il conviendrait de se désintoxiquer. La France n’est pas «malade» de ses services publics, elle a fait des services publics un des piliers indispensables de son modèle social. Les citoyen-es sont d’ailleurs très attachés aux services publics. Faut-il rappeler qu’aux dires de tous les observateurs internationaux, la France a surmonté une partie de la crise sociale et économique grâce à eux ?