Comment une Université peut-elle tomber sous tutelle ? C’est la question que l’on peut se poser pour l’université de Toulon. Mais pour comprendre ce qui amène le ministère à prendre ce genre de décision, il est nécessaire dans un premier temps de comprendre comment fonctionne ce type d’établissement que finalement peut de gens connaissent vraiment bien. Tout d’abord, une université est un petit monde autonome démocratique. Les personnels et les usagers, les étudiants donc, mettent en place trois conseil dits centraux grâce a des élections générales. L’un de ces conseils, le conseil d’administration (CA) a depuis la LRU un pouvoir accru : ce dernier, réduit, élit le président, qui deviendra le maître de l’établissement. Ce mode de fonctionnement a été introduit par la LRU. Avant, ce sont les 3 conseils réunis en assemblée, étudiants compris, qui élisaient le président. Avoir la majorité sur une assemblé d’une centaine de personne c’était compliqué. Depuis la LRU c’est uniquement le conseil d’administration, et sans les étudiants, qui élit le président. C’est d’autant plus aisé que le mode électoral donne quasi 75% des voix à la liste majoritaire (élection de type conseil municipal), l’intention étant de donner une majorité stable au président élu. L’expression de l’opposition est vite calmée, réduite à la portion congrue.
Une fois élus, les présidents dirigent alors l’établissement avec le conseil d’administration, secondé par le secrétaire général, qu’il choisit. Ce dernier qui règle normalement le fonctionnement administratif de l’établissement, et applique les décisions politiques du président dans le stricte cadre de la loi. Les deux autres conseils étant plus ou moins important en fonction de la volonté du président, sachant que seul un avis leur est demandé et que le CA ou le président décident quoiqu’il en retourne.
L’établissement lui même est séparé administrativement en plusieurs unités, les Unité de Formation et de Recherche, dites UFR (Droit, Sc Eco, Lettres, Sciences et Techniques, …) et les Instituts. Ce sont ces unités qui s’occupent des diplômes et de la pédagogie. Pour bien comprendre, les unités diffusent, organisent et contrôlent la connaissance ; l’Université inscrit les étudiants et coordonne le tout.
Alors que c’est-il passé à Toulon ? En plein mouvement contre les réformes de l’enseignement supérieur, au premier semestre 2009, un premier coup dur tombe sur l’université : il y aurait un trafic de diplôme à l’Université de Toulon ! Au delà de l’effet d’annonce dont les médias raffolent, une plainte a été déposée par un personnel de l’université, soupçonnant un affaire de corruption. Une instruction se met en place judiciairement, et dans le même temps la ministre Pécresse demande une enquête administrative. L’enquête administrative a lieu et conclue de manière claire qu’il n’y a pas de « vente de diplôme » à l’Université de Toulon. Par contre elle découvre un dysfonctionnement important : dans les inscriptions d’étudiants il semble qu’un filière parallèle administrative ai été mise en place pour facilité l’inscription d’étudiant étrangers.
Mais c’est quoi donc cette nouvelle affaire dans l’affaire. Il faut savoir que depuis la mise en place du LMD, le caractère national des diplômes n’est plus systématique. Un fort mouvement dans le supérieur avait tenté de contrer cette mise en place, mais comme en 2009, le supérieur seul n’a pas pu s’y opposé. Bref, depuis le LMD (Licence, Master, Doctorat), pour chaque changement d’établissement, quel qu’il soit, l’étudiant doit valider son cursus dans l’université d’accueil ! Cette procédure la Validation des Etudes Supérieure (VES) est nécessaire que l’on vienne d’une université nationale ou internationale : pour s’inscrire on doit valider ses acquis !!! En bref, avant l’inscription était automatique pour les titulaires d’un diplôme, de nos jours, même les étudiants français doivent validé leur grade-diplôme dans l’université d’accueil : c’est l’harmonisation européenne, le processus de Bologne.
Donc, normalement, c’est une équipe constitué d’enseignants du diplôme, la commision VES, qui étudie et valide sur dossier l’autorisation à l’inscription des candidats à l’inscription pour un diplôme. Inutile de décrire la difficulté pour étudier un dossier venant d’un pays pour lequel on a peu d’information, d’expérience ou de recul et où parfois les dossiers sont mal remplis ou incomplets. Et voilà où le bas blesse …. De nombreux dossiers étaient refusés par les commissions de VES, créant un manque à gagner pour l’établissement. Qui plus est c’était souvent les dossiers en provenance de l’étranger, souvent pour des raisons de niveau pédagogique associé à des raisons de langage parlé, tout simplement. Ainsi, de nombreux étudiants était refusés pédagogiquement à l’inscription. Logique pédagogiquement, cela ne fait pas l’affaire de l’établissement. Le budget est calculé en partie sur le nombre d’étudiants ce qui pour une université déjà financièrement étranglé devient critique quand la rumeur de « secondarisation » en de ça de 10 000 étudiants est dans toute les têtes. En effet, si une université passait en dessous de ce seuil elle deviendrait lycée universitaire perdant ainsi recherche, M&D et aussi son attractivité en devenant université de seconde zone n’offrant pas de débouché au delà de L à ces étudiants ….
Que faire alors ? Pris dans la nasse, la réponse est l’urgence ! La mise en place d’une commission supérieure, re-validant les dossiers en les réorientant et permettant l’inscription d’étudiant quelque soit le niveau, du moins sans être trop regardant, et surtout permettant de court-circuiter les avis pédagogiques. Ainsi, un nombre conséquent d’étudiants a pu s’inscrire, permettant d’atteindre la limite des 10 000 étudiants, mais à quel prix. Pour les enseignements, des difficultés souvent énormes de communication avec les étudiants (90% de classe non franco-phone) et de niveau… Pour les étudiants ainsi inscrits, une année gâchée et un marché de dupe … Avertie la première année de mise en place, l’administration persiste et signe, imposant de plus en plus d’étudiants que les enseignants découvrent dans leur cours, certains arrivant parfois en milieu de semestre …
Mais alors, pourquoi la tutelle maintenant…. Tout d’abord, parce que cette affaire de corruption supposé à permis au ministère de mettre le nez dans le problème. Ensuite, d’après les dires de l’administrateur provisoire, parce que malgré un premier rapport administratif accablant, parait-il, l’équipe en place re-persiste et re-signe ! Lors d’un deuxième rapport surprise demandé par la ministre, les inspecteurs constate l’entêtement de Toulon. Le ministère cherche alors sans doute une occasion d’agir, elle sera donnée par l’équipe dirigeante de Toulon. En effet, cette dernière s’empresse de répondre manu militari à une pétition d’étudiant chinois s’estimant discriminés par leur unité de formation. Le Président autorise alors une descente dans cette unité pour « sauvegarder des preuves ». La coupe est pleine pour le ministère, elle suspend le président et deux de ses vices présidents, et installe à la tête de l’université un administrateur provisoire. C’est une première dans l’histoire de l’université contemporaine française.
Cet administrateur provisoire à pour mission de remettre l’université sur les rails, de rétablir le climat serein ainsi que d’assainir et de rétablir les circuits administratifs avant d’organiser de nouvelles élections générales et de redonner la main aux acteurs de l’établissement.
Bilan de l’opération, une réputation de l’université ternie publiquement, mais à qui la faute. La démocratie ne fonctionnait tellement plus au sein de l’établissement que les règlement de compte sont sortis dans la presse comme un exutoire. Les diplômes, concluent les rapports administratifs, n’ont jamais été vendus, le niveau n’a finalement jamais été bradé, seule l’entrée à l’université était mise en cause ainsi que la capacité des enseignants à autoriser les inscriptions. Au final, les étudiants inscrit pas dessus la jambe se sont retrouvés pour la plupart recalés en fin d’année.
Syndicalement, maintenant il faut ré-apprendre à travailler avec l’administrateur provisoire, ré-apprendre à revendiquer sur le fond. Des années de tracasserie pour obtenir un PV ou un document, cela transforme petit à petit les conflits en querelles locales. Le retour à des problèmes de fond permettra de mieux comprendre les effets de la marchandisation de l’éducation et de lutter jour après jour dans que nous le pourrons pour obtenir un front de luttes commun de l’ensemble des personnels de l’éducation nationale. Ce texte est un des explications, vu du côté de l’opposition. La vérité est complexe et nul doute que chacun aura une histoire à raconter que l’on se place du côté des syndicats, des réseaux d’influence, de la politique ou des impétrants. Syndicalement, on pourra y voir une dérive d’un trop grand pouvoir à des présidents d’université qui ne sont pas formé et un désengagement de l’état qui de moins en moins surveille ses établissement public et intervient que lorsque cela se voit trop.
S. Mounier
Secrétaire de la section SNESup-FSU Toulon